Mercredi 5 août – 5h30
Mobilisé depuis dimanche 2 août, impossible de trouver un moment pour consigner les faits.
Tension entre l’Autriche et la Serbie pour des raisons déjà oubliées. L’Allemagne ne prend pas parti officiellement. La Russie mobilise certains corps sur la frontière autrichienne, mais les ambassadeurs sont encore à leurs postes.
Le 31 juillet, l’Allemagne déclare la guerre à la Russie.
Le 1er août, la France, qui suit attentivement les événements, lance un ordre de mobilisation générale.
1er jour de la mobilisation – 2 août.
La mobilisation s’effectue avec le plus grand ordre. Le mercredi 5 août à 21 h 57, après un parcours des cantonnements à la gare de Vannes, à travers une foule enthousiaste et sous les acclamations, l’EM du 316 et le 5e Btn quittent Vannes.
Voyage nocturne. Rien à signaler d’abord. Au jour levant, nous sommes au-delà de Nantes. À 6 h ½ halte repas à la Poissonnière. Reprise du voyage. Saluts et acclamations des populations sur le passage du train. À Condé s/ Huisme, une fillette apporte une gerbe de dahlias qu’elle remet au Colonel Le Camus du 1er Colonial, qui commande le 316.
Jeudi 6 août – 18 h 30
Halte repas à Rambouillet.
Arrivée à Paris Vaugirard. Le Btn cantonne pour la nuit à l’Ecole Mre dans les manèges de l’îlot Fontenoy. Je suis logé au 12 Bd de Latour Maubourg. À 10 h nous allons partir pour Aulnay les Bondy où le régiment cantonnera.
Vendredi 7 août – 7h40
Je viens de pousser jusqu’à l’Ecole Mre. Tout se passe bien. Les rues de Paris sont absolument calmes. À cette heure matinale, on ne voit guère que des soldats et des véhicules automobiles.
Il pleut. Notre marche sur Aulnay va être humide.
Les nouvelles reçues ce matin confirment l’énergie des Belges. Les Allemands ont trouvé à Liège une résistance acharnée dont ils paraissent avoir triomphé, mais qui les retarde sérieusement et va donner le temps à nos troupes de venir s’opposer plus complètement à leur mouvement et, j’espère, les rejeter au delà de la Meuse.
Les journaux publient une proclamation du Gal Cdt le IX Corps allemand aux Luxembourgeois. Il prétend justifier son passage au Luxembourg, par une violation de notre part, de ce territoire. Les Allemands ne reculent devant aucun mensonge, même flagrant comme celui-là, pour essayer de nous faire endosser des responsabilités qui leur incombent, à eux seuls. Mais, patience ! J’ai la confiance que de beaux jours vont luire pour les Armées françaises.
Marche du 316 sur Aulnay sous Bois. Départ de l’Ecole Militaire à 10 h 15. Itinéraire = Boulevard Latour Maubourg. Pont des Invalides. Avenue d’Antin. Fg St Honoré ?? Rue de Courcelles. Bd de Courcelles. Les Batignolles [… ].
Arrivée au cantonnement sous la pluie. Installation pénible et longue en raison de l’inexpérience du personnel du campement.
Allé jusqu’à la Brigade (Ecole Dugesclin) où j’ai présenté mes respects au Gal Delarue, Cdt de la 121e Bde. Nous faisons partie de la 61e Dion (Gal Virvaire).
Samedi 8 août
Installation du bureau du Colonel, de l’officier de détails, de l’officier d’approvt, dans le même local. Avantages sérieux pour le travail. Les compagnies complètent leur installation.
Nous apprenons officiellement que nos troupes sont entrées en Belgique pour soutenir les Belges dans leur résistance contre les Allemands. J’espère bien que nous ne nous contenterons pas de résister mais que l’offensive va être poursuivie. D’ailleurs, un mouvement en avant se dessine un peu sur toute la ligne : des fractions de nos troupes sont signalées à Vic s/ Seille et à Moyen Vic puis en Alsace au-delà de Montreux-Vieux. C’est la prise de contact avec les avancées de l’adversaire. Qu’y a-t-il derrière ? Nous le saurons par la bataille, qui me semble prochaine. Hélas ! Et nous sommes « garnison du camp retranché de Paris ». Pourvu qu’on ne nous laisse pas là !
Dimanche 9 août
J’envoie à Vincennes le Sous-Lieutt Gravrand, chef du Sce téléphonique, toucher 2 sections de mitrailleuses attribuées en supplément au 316.
Nos mitrailleuses normales (5e et 6e sections) sont restées à Vannes avec les équipages du régiment et n’en partent que le 9e jour, c’est-à-dire demain.
18h. Mon matériel des S.Mits de supplément est arrivé, je l’ai fait placer dans un magasin abandonné et fermant à clefs.
Lundi 10 août
Rien de bien important. Nous apprenons que nos troupes, sans doute le 21e corps, se sont emparées des cols des Vosges entre St Dié et l’Alsace. Donc, l’offensive continue.
Mardi 11 août
Mulhouse a été évacué par nos troupes devant une offensive allemande qui a été arrêtée devant des emplacements renforcés.
Les équipages du 316 nous rejoignent à Aulnay.
Le Gal Mercier-Milon, inspecteur des forces mobilisées dans le camp retranché de Paris, a visité dans la matinée les cantonnements de la 61e division.
Mercredi 12 août
Promenade à cheval vers Livry – Conbroz – Faujeurs. Routes dures. Où sont nos landes bretonnes si douces aux membres des chevaux ?
Nous n’avons toujours aucune nouvelle des nôtres. Les lettres ne nous parviennent pas. Ces jours derniers, une dépêche jaune, partie le 7 de Vannes est arrivée à Aulnay le 10 au soir. Cet isolement est bien désagréable.
Touché le 9 mon indté d’entrée en campagne. 700 francs.
Acheté le 10 une sacoche d’E.M. 20f
le 11 une jumelle Huel – 95f
Vendredi 14 août
Revue à 6 h des 61e et 62e Divon par le Gal Mercier-Milon, inspecteur des forces mobiles du camp retranché de Paris. Cette revue est passée au N. du Bourget ; les troupes défilent ensuite devant le monument.
Je reçois par M. le Lieutenant Vallantin, venu de Vannes, la première communication de ma famille depuis mon départ : un paquet contenant mon bonnet de police, mon gaufre à moustache et 2 paires de chaussettes. Le soir, je reçois une dépêche de Jeanne me disant que toutes mes lettres lui parviennent et qu’elle m’écrit tous les jours. Or je n’ai reçu aucune lettre depuis que j’ai quitté Vannes.
Samedi 15 août
Repos. Je vends au Dr Laferriere ma vieille jumelle pour la somme de 5 francs. Il paraît qu’elle lui suffira.
Bridge au café de la Gare – 6
Dimanche 16 août
Dimanche ; mais pas repos ; Je reçois de Jeanne une première lettre par la poste. Tout va bien à Vannes. Cette lettre a été mise à la poste le 12, donc 4 jours de trajet. Heureux de savoir que tous mes chéris se portent bien. Les journaux de ce matin annoncent que nous sommes[1] à Thann (Alsace) et que les nôtres ont repoussé un corps bavarois au delà de Lunéville. Combats, mais non bataille.
Les troupes d’Afrique (zouaves, tirailleurs, artillerie) passent ici depuis trois jours sur la ligne du Nord. Il est vraisemblable qu’ils se dirigent vers la Belgique. Tout fait prévoir que ce sera sérieux de ce côté là.
Nos des billets de 50f envoyés à Jeanne aujourd’hui
703 – F3621 – 26-7-1909
[… 8 billets en tout]
Lundi 17 août
Nous sommes sous le coup d’un départ imminent : les vivres de chemin de fer et de débarquement sont distribués ; nous devons verser les cartes de la région de Paris demain matin.
Mardi 18 août
Départ momentanément retardé (note confidentielle). Une auto est mise à la disposition du Colonel par le Gouverneur de Paris. Reçu de Jeanne une lettre mise à la poste le 14.
Mercredi 19 août
Je vais à Paris en auto pour quelques courses ; au retour, perception de 220 kgs de tabac à la Manufacture de Pantin. Le Directeur nous offre des cigares.
Nous avons reçu ce matin une collection de cartes allant de Dunkerque à Mâcon, plus des cartes de la Belgique et de l’Allemagne. En somme, nos cartes comprennent tous les théâtres d’opérations du Nord, Nord Est et Est. Ce n’est pas cette distribution qui pourra nous renseigner sur notre destination.
Jeudi 20 août
Notre départ semble reculé assez loin ; voilà qu’on nous donne l’ordre de faire du tir à la cible au fort de Rosny jusqu’au 25. Ce n’était pas la peine de nous retirer nos cartes de Paris : nous voilà obligés de manœuvrer en aveugles.
Vendredi 20 août
Les Allemands marchent sur Bruxelles ; leur cavalerie y est déjà. Que signifient ces mouvements ? Nous sommes sans indication sur nos propres mouvements en Belgique où nous devons avoir cependant de grosses masses. Il y a là un certain mystère, mais je continue à avoir confiance dans notre Commandement de ce côté là.
Lundi 24 août
À 4 h, je suis réveillé par un planton porteur d’un ordre de départ prochain. Il faut s’attendre à un ordre définitif dans la journée.
Mardi 25 août
Le régiment s’embarque en deux éléments à la gare de Goussainville et est dirigé sur la gare régulatrice de Longueau. Départ du 1er élément de la gare de Goussainville à 15 h 12 (EM et 5e Btn). 6e Btn à 18 h 42.
Au passage à Longueau, nous recevons un bulletin de fin de parcours pour Arras où nous débarquons vers 23 h. Cantonnement à la citadelle, quartier Turenne (3e Génie). Dans le trajet, nous croisons au moins 150 locomotives qui refluent vers le Sud. Sont-elles belges ou françaises ? Nous n’en savons rien.
Mercredi 26 août
Départ d’Arras à 6 h 20, dans la direction de Douai. En arrivant à Gravelle (10 km est d’Arras) ordre de bivouaquer au sud de la route nationale Arras-Douai. Toute la brigade est bivouaquée autour du village de Gravelle. Dans l’après-midi, cantonnement bivouac à Gravelle.
À 20 h, au moment où j’allais me coucher, on vient me chercher pour aller à l’EM de la Brigade prendre les ordres. Toute la Division va refluer sur Arras, puis sur Bapaume. Un Btn du 316 accompagnera les Trains regres; l’autre Btn, avec le Colonel est chargé de tenir Arras et de couvrir l’embarquement de la 82 Dion Tale. Nous partons vers 22 heures, et arrivons à Arras à 2 h 15 le 27, par la pluie.
Jeudi 27 août
Le Btn est placé aux abords de la Gare ; je suis détaché au Bureau de poste pour y recevoir éventuellt les communications de la 61e Divion. Mais avant de prendre mon poste je vais à la gare voir à quelle heure s’embarquent les éléments de la 82e Div Terrale. La gare n’en a aucune nouvelle. J’ai passé la nuit blanche et je m’endors pendant une heure sur une chaise du Bureau de Poste. Puis je descends dans la rue où passent d’abord deux cavaliers allemands blessés, puis une quinzaine de prisonniers. La foule les hue d’une façon ignoble. La foule est idiote.
L’EM du Gal d’Amade, qui était ici me semble filer vers le sud.
Hier les 26, 27 et 28 Terraux , plus les batteries Terrales du 44 d’artillerie me semblent avoir écopé sérieusement au cours d’un combat du côté de Cambrai. Exagéré. Je crois qu’ils ne tiennent pas.
7 h Rien de nouveau. Aucune nouvelle de l’embarquement de la 82e Don Tale.
8 h Le colonel, qui a vu le Gal d’Amade est autorisé à quitter Arras et à rejoindre la Divon en marche sur Bapaume.
Vu dans la matinée l’Hotel de Ville d’Arras sur la Petite place ; bijou d’architecture gothique flamande. Régal des yeux.
Effectivement, sous une pluie battante et un violent orage, nous atteignons l’Arr. Gale à 5 h environ au N. de Baupame. Vers le soir, après un engagement à l’Est de la route, où le 316 n’a pas donné, le canon se fait entendre de nouveau. De l’infanterie sort de Flers, où on vient d’arriver (316 – 264). Le 316 se déploie, mais n’a pas l’occasion – du moins je le crois – d’ouvrir le feu. À la nuit noire, le 316 rentre à Flers […] et cherche à s’y installer au lieu d’aller à Ginchy et à Lesbœufs. Gros encombrement à Flers, trains et convois, troupes. Il faut se résigner à rester dans une abstention de repos et de sommeil complète. À 1 h le Colonel fait refluer vers le N.O. Les troupes et les convois qu’on peut réunir. Arrivée à Eaucourt l’Abbaye.
Vendredi 28 août
Vers 3 h nous recevons un ordre prescrivant la remise en marche de la troupe vers Flers et Ginchy ; la Division (réduite à la 121e et à l’AD) va attaquer l’ennemi et essayer de reprendre Combles qui nous a été enlevé dans la soirée de la veille.
Le 316 reçoit comme mission 1° d’avoir 2 Compagnies en soutien d’artillerie vers la côte 154 (Est de la route Flers-Guinchy) pour 4 h 30.
2° de rassembler le reste du Rgt dans le ravin Ouest de Flers.
Les Cies Dupont et Bronnen (18e et 19e) essaient de se rendre à leur emplacement mais, dans le brouillard, elles perdent du temps et finissent par utiliser la route de Flers à Ginchy puis celle de Ginchy à Lesboeufs. Je me rends à Ginchy près du Gal de Brigade.
Dès que le brouillard se dissipe, vers les 7 heures peut-être (je n’ai pas songé à prendre l’heure), les unités de 264, déployées, se portent dans la direction de Ginchy. L’artillerie s’est installée, le groupe du 28 à gauche, le 51 au centre, le 35 à droite. Le feu est ouvert de part et d’autre. Sur le village de Ginchy où je me trouve avec les Gaux Virvaire et Delarue et leurs EM, les obus pleuvent. Vers 9 heures la rue où nous stationnons est littéralement enfilée par les obus. Le Gal Delarue est blessé à l’oreille par un éclat. Le combat se poursuit entre l’infanterie placée sur la lisière E de Ginchy et les mitrailleuses de l’ennemi et entre les 2 artilleries.
Il y a la des péripéties diverses difficiles à enregistrer. Un Lieutenant du 11e Chasseur (Vesoul) vient se mettre en relation avec le Gal d’Amade qui vient d’arriver à Ginchy en auto-mitrailleuse. Il apporte des nouvelles du 7e corps qui débarque dans la région d’Amiens.
Nos troupes commencent à évacuer Ginchy. Je me porte en arrière avec le Gal Delarue vers Guillemont ; nous trouvons sur le chemin le corps de son cheval tué d’un éclat d’obus. La route de Ginchy à Guillemont est sillonnée de balles venant obliquement du Sud de Ginchy. Un talus nous protège sur la plus grande partie de notre parcours ; nous retournons ensuite à Ginchy ; puis nous revenons à Guillemont ; cette navette dure plus d’une heure ; nous contournons par l’ouest le village de Ginchy. Enfin, vers 15 heures, nous quittons Guillemont pour aller à Longueval, où nous restons un certain temps à la lisière Sud du bois de Delville. Vers 15 h ½, nous rentrons à Flers trouvant sur notre route des débris de toutes sortes, équipements, caissons, chevaux morts, effets d’habillement, etc. À Longueval, l’ordre a été envoyé au 316 de prendre position au SE de Flers pour soutenir la retraite des troupes de Ginchy. Quand le Gal et moi arrivons à Flers, le mouvement s’effectue.
À mon arrivée, je ne retrouve plus mon cheval. Dans la soirée vers 6 h nous nous mettons en route sur Martinsart, petit hameau où nous arrivons vers minuit. J’apprends en route que Bronnen a été tué, que Maquard a été vraisemblablement pris la veille en se rendant de Flers à Bapaume avec un fourgon et un sergent. Cela sera à vérifier, car nous n’avons aucune nouvelle de nos trains.
Le mouvement de retraite s’est effectué sous la protection de la Ge S. Mitr qui a trouvé le moyen de faire avec un calme qui fait honneur à son chef (Ss Lieutt Le Roy) un tir très ajusté mais dont l’effet ne peut pas être contrôlé.
Marche toute la soirée et une partie de la nuit pour aboutir à Martinsart, petite localité où sont entassées des troupes nombreuses, infanterie et artillerie, celle-ci restant attelée dans les rues du village.
Ce combat du 28 août suggère les observations suivantes :
L’engagement a lieu avec une intention d’attaque qui comportait une manœuvre qui n’a pas eu lieu. Le combat a été mené exclusivement de front, sans attaque sur les flancs ; il devait forcément échouer dans ces conditions. On ne force pas une position défendue par des mitrailleuses et des canons, sans qu’au moins une menace se produise sur un flanc.
Les troupes de réserve, dont c’était le baptême du feu, se sont en général montrées calmes, sans beaucoup d’élan mais sans défaillance notoire. Il y a eu sans doute des défaillances individuelles, mais qui n’entachent pas la masse.
L’artillerie ne paraît pas avoir eu la préoccupation d’aider son infanterie en cherchant à museler les mitrailleuses blindées des Allemands. Qques obus explosifs bien placés eussent rendu les plus grands services.
On a rapporté que l’artillerie française a tiré sur nos propres troupes ; ce fait expliquerait les pertes subies par la 19e Cie du 316 et le groupe du 28e d’Art qui a perdu tout ses canons.
Les généraux sont beaucoup trop près de la ligne de feu ; ils sont restés toute la matinée, sous les obus, dans le village de Ginchy ; leur place était beaucoup plus en arrière. Il est résulté de cette erreur dans le choix du poste de commandement que l’action n’a pas été « conduite ».
Samedi 29 août
À 2 h, c’est-à-dire après un sommeil d’une heure environ, nous repartons vers l’ouest pour continuer à nous dérober à l’ennemi. Pourquoi ? Nous n’en savons rien ; il me semble pourtant qu’une offensive bien conduite, avec manœuvre, nous aurait permis d’avoir raison de nos adversaires. Nous nous portons par Bouzincourt. Senlis. Warloy. Baillon. Vadencourt. Contay sur Beaucout s/ l’Hollue.
Nous y arrivons vers midi. Je suis logé avec le Colonel au château donc le propriétaire est absent (sans doute mobilisé). Je m’occupe d’y faire faire le déjeuner. À 14 h, au moment où nous nous mettons à table, nous recevons l’ordre de repartir à 15 h vers le Sud-Ouest.
Nous marchons par Molliers au Bois, Rainneville, Coisy sur Poulainville, où nous cantonnons à la nuit close. Avant postes vers le N.E.S. fournis par 2 compagnies. À 23 h 30, au moment où nous finissions de dîner, le Général de Brigade fait appeler le Colonel du 316 et son adjoint, pour donner l’ordre de partir à minuit 15 sur Longpré. Montières, Ferme de Grâce où la 121 Brigade doit se rassembler. Le Colonel est désigné pour prendre le commandement provisoire de la Brigade en remplacement de Gal Delarue nommé à titre provisoire au Commandement de la 61e Division dont le chef (Gal Virvaire) a été atteint dans la journée d’hémiplégie.
Dimanche 30 août
Comme personne n’a dormi, à l’arrivée de la Brigade à la Ferme de Grâce vers 3 h ½ ou 4 h, le Colonel et ses deux officiers d’état-major se blottissent dans les meules de paille et s’endorment profondément. Je reste donc seul chargé de faire exécuter le rassemblement. Nous passons là toute la matinée, mais j’ai la satisfaction de retrouver mon cheval dont je suis privé depuis deux jours. Le malheureux a dû errer assez longtemps et a fini, paraît-il, par échouer au 265, dont le Lieutenant-Colonel Tesson, démonté le 28, monte mon Généreux toute la journée du 29.
Partis du rassemblement vers 10 h, nous formons une colonne mal organisée, où les à coups se succèdent, où les ordres et contre-ordre pleuvent (malgré la chaleur), bref une pagaille. Nous finissons cependant par arriver à 19 h au village de Bougainville par […].
À Bougainville, nous pouvons pour la 1ere fois depuis 5 jours faire un repas assez sérieux. Bien plus, les cantines sont annoncées. Joie ! On va pouvoir changer de linge et se raser. Hélas ! La mienne n’y est pas ; je dois donc rester barbu, porter du linge sale et renoncer à faire cirer mes chaussures. Malgré tout, il m’est permis pour la 1ere fois depuis le 25 août de me déshabiller et de [me] mettre dans un vrai lit. Le colonel me prête une paire de chaussettes.
Lundi 31 août
Mais ce n’est pas pour bien longtemps puisque je suis réveillé à 2 h 30 par le Colonel, qui habite la chambre voisine. Des ordres viennent d’arriver. Il faut partir à 4 h pour aller embarquer à Alancourt. Itinéraire : […] où je rencontre le Gal Vigy. M. le Lieutt Vignal est remplacé dans ses fonctions de porte-drapeau par le Ss Lieutt Bratineau. À partir de Zoix, la route est encombrée de troupes, regt d’infanterie territx […] artillerie nombreuse, trains etc. Nombreux à coups, arrêt d’une heure ½ pour grand’halte, puis peu après nouvel arrêt de 3 heures. Après mille difficultés, arrivée à la gare d’Alancourt, où le Rgt s’embarque immédiatement dans un seul train ; les hommes sont empilés dans les voitures, sur les plates formes, dans les wagons à chevaux, etc. Les officiers sont 10 dans les compartiments de 6 places et sans lumière. Enfin après un trajet par […].
[1] nos troupes